Si vous me suivez régulièrement, vous connaissez mon intérêt pour l'assouplissement mental. A l'image du champion de tennis Novak Djokovic qui s'exerce au grand écart avec des gymnastes belges, un entraînement régulier est indispensable pour dérigidifier nos convictions, s'ouvrir à l'inverse de nos pensées, élargir nos horizons et regarder plus loin. La pratique est d’autant plus importante que la situation du monde nous invite à sauver l’avenir de l'humanité et, pour cela, à revoir et transformer nos modes de fonctionnement et les idées qui les sous-tendent. 

Mieux penser malgré un cerveau imparfait par nature

Pas de chance, par nature, notre cerveau est plutôt myope, limité, rigide et fainéant. 

  • Myope, il privilégie nos intérêts à court terme plutôt que ceux à plus long terme. 
  • Limité, il aime ce qu’il connaît déjà, ne voit que ce qu’il croit et est bien moins performant qu’il ne l’estime. 
  • Rigide, il prend ses croyances et convictions pour des certitudes et se révèle même addict à celles-ci. 
  • Fainéant, il privilégie la pensée rapide et courte aux réflexions plus longues. Cela s’explique par sa  programmation biologique qui l’a fait évoluer dans l’optique d’économiser au mieux nos efforts afin de préserver nos ressources. Dans la brousse, autant garder des réserves pour faire face à la pénurie ou l’imprévu…

Chaque matin ou presque, les pensées qui me permettent d’organiser ma douche, mon habillement et mon petit-déjeuner sont automatiques, comme la majorité de mes pensées quotidiennes (et des vôtres). Rapides, elles nous simplifient la vie en nous facilitant l’accès à des solutions connues à des problèmes connus.

Pratiquer un yoga mental

A contrario, penser vraiment, par exemple pour aborder des situations nouvelles, complexes ou inconnues, mobilise notre cortex préfrontal beaucoup plus gourmand en énergie, glucose et oxygène, et plus lent, ouvert et nuancé dans son fonctionnement. Pour accéder à cette capacité, nous avons besoin, dès l’enfance, d’apprendre à inhiber nos pensées automatiques, à freiner nos réactions trop rapides,  et à explorer aussi ce qui nous plaît moins ou ce que l’on n’a pas envie d’envisager (comme les conséquences néfastes de nos excès ou l'avis d'un opposant). Nous avons besoin de nous entraîner à le faire, car ce n'est pas naturel. J'ai coutume d'appeler l'ensemble de ces pratiques un "nouveau yoga mental", en hommage et complément du premier livre sur le sujet, écrit par le maître yogi André Van Lysebeth.

Explorer « le point de vue de l’adversaire » 

Il en va de même lorsqu’il s’agit d’aborder avec un nouveau regard ce que l’on pense déjà. Marguerite Yourcenar appelait ça explorer « le point de vue de l’adversaire ». Bien sûr que j’ai raison, puisque c’est ce que je pense. Cependant, et même si cela me déplaît, il se pourrait que l’autre ait aussi raison même si ses idées sont différentes des miennes. Et peut-être a-t-on tous les deux tort ou partiellement raison. Alors, si je me mettais dans la peau de l’autre pour mieux comprendre ses points de vue ? Si je cultivais un peu d’humilité, de sorte à reconnaître et accepter l’imperfection de mes propres idées et croyances, pour m’ouvrir à une plus juste réalité. 

Croiser les regards pour enrichir notre compréhension 

De fait nous sommes tous comme les 6 aveugles de ce conte ancien. Ensemble, ils sont confrontés pour la première fois à un éléphant ; chacun est sûr de savoir ce qu’il perçoit de ses mains : c’est un arbre (pour celui qui en touche la patte), un serpent (la trompe), une pierre (la défense), une liane (la queue)… Ce ne sera qu’en associant les pièces du puzzle de leurs savoirs imparfaits qu’ils pourront commencer à se faire une meilleure idée de la réalité. 

Le croisement constructif de regards et de perspectives nous aide aussi à voir le monde surliminal qui nous enserre. Si le subliminal concerne ce qui est si petit que l’on ne parvient à percevoir ni son existence ni son influence, comme la 25ème image insérée dans une seconde d’un film, le surliminal est si grand que l’on ne peut se rendre compte de ses effets. 

Prendre conscience des évidences surliminales qui nous enserrent "à l'insu de notre plein gré"

À titre d’exemples d'évidences surliminales, il est inimaginable, pour une grande majorité de personnes, de considérer que la société puisse continuer à bien fonctionner sans croissance économique ; beaucoup aussi sont convaincues que le « progrès » sera toujours capable d’apporter des solutions technologiques aux problèmes environnementaux que nous rencontrons ou que l’argent et le succès sont synonymes de bonheur. De telles idées sont si ancrées dans les esprits que nous ne les percevons même plus. Dès lors, impossible de les remettre en question. 

Dans les mois à venir, je vous propose que nous explorions ensemble des points de vue originaux, qui divergent par rapport aux croyances les plus courantes. Pas forcément pour les adopter, mais pour les explorer, les considérer, de sorte à assouplir et élargir nos pensées, voire de nous en approcher. Cela nous permettra d’enrichir notre compréhension du monde, des enjeux auxquels nous sommes confrontés et des solutions les mieux appropriées. 

Ma première invitée sera Aude Vidal. Nous explorerons ensemble certaines idées phares de son précieux petit livre vert Égologie. Ce sera le 29 août à 18h30. Comme d’habitude, l’inscription (gratuite) est indispensable pour accéder au direct ou à la rediffusion.

Pour terminer, j’ai eu envie d’illustrer l’urgence de réapprendre, chacun·e, à penser au-delà de l’horizon de nos idées habituelles, avec ce texte lumineux, étonnamment actuel malgré son âge, proche du mien. Il est extrait de L’obsolescence de l’homme, chef d'oeuvre de Günther Anders. 

Un texte sexagénaire pour stimuler le désir de renverser et élargir nos pensées

« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées.

Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste.

Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif.

On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser.

On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.

Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur (qu’il faudra entretenir) sera celle d’être exclu du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu.

Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir. »

Günther Anders « Die Antiquiertheit des Menschen » (L’obsolescence de l’homme) 1956 

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